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Visite du Couvent de la Reine, devenu Lycée Hoche

Nous sommes ici dans la cour d'honneur du lycée Hoche et vous avez sous les yeux un magnifique ensemble architectural de la fin du XVIIIème siècle, élevé de 1767 aux alentours de 1774 : le Couvent de la Reine, de l'architecte Richard Mique.

La reine : il s'agit de Marie Leszczynska, reine de France, née en 1703, mariée au roi Louis XV en 1725. Une femme méconnue par la grande histoire; on l'a souvent peinte comme une femme effacée, discrète et pieuse. Ce sont là des traits bien réels de la souveraine mais il ne faudrait pas oublier que ce fut une femme cultivée aimant les arts et la conversation des grands esprits.

La reine avait le désir de faire édifier une maison d'éducation pour les filles d'officiers attachés à son service et des petites gens qui travaillaient pour la Cour. Nous connaissons quelques exemples représentatifs de cette foule de gens qui gravitaient autour de la Cour : ainsi, le père du futur général Lazare Hoche, Louis Hoche était palefrenier à la Grande Ecurie du Roi, son grand-père maternel, venu du Limousin, était paveur du roi.

Pour réaliser cette oeuvre, il fallait à la reine :

+ une congrégation de religieuses enseignantes. Elle en avait une, la congrégation Notre-Dame de l'ordre des Chanoinesses de Saint-Augustin. C'était une congrégation fondée par saint Pierre Fourier en Lorraine au début du XVIIème siècle et qui possédait un couvent à Compiègne où la reine aimait à se rendre.

+ de l'argent. Elle en dispose, venant de recevoir l'héritage de son père qui vient de mourir (1766). Il s'agit de Stanislas Ier Leszczynski, roi detrôné de Pologne à qui on avait offert en compensation le duché de Lorraine.

+ un terrain. Elle l'obtient de son époux Louis XV qui lui cède, en février 1767, 11 arpents de l'ancien domaine de Madame de Montespan à Clagny, situés le long de l'avenue de Saint-Cloud.

+ un architecte. Ce sera Richard Mique. Singulière aventure que celle de cet architecte de province qui appelé à la Cour de France, deviendra le principal maître d'oeuvre des travaux de Versailles à la fin du XVIIIème siècle, avant de finir sur l'échafaud pendant la Révolution. Au coeur de ce destin : Marie Leszczynska.

- Né en 1728, Richard Mique, après son père et son grand-père, devient architecte en Lorraine au service du duc Stanislas, père de la reine. Il participe à l'embellissement de Nancy et Lunéville où il répand l'imitation du style antique qui commence à être de mode.

- 1766 : la mort du duc Stanislas Leszczynski arrête cette carrière ; car rencontrant l'hostilité et la jalousie de Gabriel, Premier architecte du roi de France, son éclipse s'annonçait longue.

- C'était sans compter le clan polonais de Versailles qui est à l'oeuvre pour suivre les intérêts des serviteurs de Stanislas. Et c'est ainsi que sur intervention de son confesseur polonais, la reine décide de faire appel à Mique qui, sans attendre, se précipite à Versailles. La reine lui fait attribuer un appartement dans le Grand Commun du château et il installe ses bureaux dans le château de Clagny (qui ne sera démoli qu'en 1768).

La reine veut aller vite : elle se sent malade.

A sa demande, Mique établit plusieurs projets dont un avec une chapelle basilicale que la reine approuve. (En fait, par souci d'économies, c'est un projet plus modeste qui sera retenu.). 1767, les travaux commencent : on utilise les pierres d'un début d'hôpital commandé par le dauphin et abandonné après sa mort en 1765. Notons que Clagny ne sera démoli qu'à partir d'avril 1769; et ses pierres serviront à la construction des maisons de l'avenue de Saint-Cloud..

Le 24 juin 1768, à la mort de la reine, "la carcasse des bâtiments, sauf l'église et les parloirs, était faite."; mais l'argent manquait cruellement. La reine n'avait pas eu les moyens financiers de son projet.

C'est la ténacité de sa cinquième fille, Madame Adélaïde (1732-1800) qui permettra de mener le projet de la reine à son terme. Elle maintint Mique dans ses fonctions et approuva le troisième projet, celui que vous avez sous les yeux.

Mique, comme tous les architectes de son époque, a reçu un enseignement influencé par la pensée d'Andrea Palladio (1508-1580) qui marqua profondément l'architecture de la Renaissance italienne.

L'ensemble de la disposition des bâtiments est celle d'une villa palladienne où la chapelle tiendrait la place et aurait la forme de la Rotonda de Vicence (1566-1567).

- chapelle,

- parloir des religieuses à droite,

- parloir des pensionnaires à gauche,

alignés, mais : sans aucune monotonie, en raison des deux cours latérales qui laissent apercevoir en arrière le corps des bâtiments du couvent et accentuent l'autonomie des deux pavillons latéraux.

de casser les deux pavillons qui permettent d'avoir deux façades situées à 6m, l'une de l'autre.

Grandeur, simplicité, grâce donnent à l'ensemble sa beauté et son élégance.

La chapelle sera la partie du couvent la plus longue à achever (vers 1774) et la décoration intérieure n'en sera achevée que vers 1779. Elle présente l'aspect général d'un temple antique : - colonnes cannelées ornées de chapiteaux ioniques

- fronton sculpté avec trois personnages allégoriques : la Foi, l'Espérance et la Charité.

La façade comporte deux niches encore vides en 1792 et qui devaient recevoir une représentation de la Vierge et une de la Sagesse divine (Sophie). Au XIXème siècle, on y plaça deux statues représentant, saint Jean Chrysostome et saint Augustin par Gourdel. Les médaillons du dessus étaient destinés aux armoiries de France et de Pologne. Sous le Premier Empire, on y plaça un N or sur fond bleu remplacé à la Restauration par deux L entrelacés, puis finalement deux représentations de Bossuet et Fénelon.

Au dessus de la porte de la chapelle, on a un bas-relief exécuté par Joseph Deschamps qui fut le collaborateur de Mique pour la partie sculptée sous les ordres de Bocciardi.( L'ensemble des sculptures fut exécuté de 1771 à 1774). Le bas-relief présente la reine Marie Lesczinska qui, entourée de ses filles, Mesdames, leur explique les motifs de la création de sa maison d'éducation. Sur la droite, on voit des religieuses, sous l'habit de vestales, présentant des jeunes élèves à la reine. Le tout est traité à l'antique avec habileté. A l'extrême-droite, une console et un vase rappellent les découvertes faites à Pompéï et à Herculanum. Le fond du bas-relief représente le couvent.

. La partie gauche du couvent était réservée aux pensionnaires. On y accède par un pavillon (le parloir) et une longue galerie.

+ les deux ailes du parloir ne sont pas coudées à angle droit mais reliées par un pan à 135 degrés qui permet un effet de perspective. La façade en avancée n'écrase pas la façade en retrait et dégage bien les trois plans successifs : les deux façades des pavillons et le bâtiment du couvent.

+ une longue galerie (à l'époque sans étage) relie le parloir au couvent. Mique avait voulu que les flots de lumière puissent entrer dans un monastère d'allure austère. De toutes parts, de grandes arcades s'ouvraient sur des jardins d'agrément, des potagers, cinq pièces d'eau, un jardin à la française et sur les hautes frondaisons du parc de Clagny. Les inventaires de l'époque parlent de 1200 arbres fruitiers, 600 ceps de vigne, 360 tilleuls, et partout des gazons et des fleurs.

Le plan général du couvent est rigoureusement symétrique : les bâtiments des pensionnaires et des religieuses se distribuent autour de deux cloîtres séparés par un corps central plus élevé, précédé par un jardin intérieur.

+ au rez-de-chaussée :

grande sobriété des cloîtres constitués par une série de modules de construction répétés autant de fois qu'il est nécessaire. Chaque module comprend quatre piliers et une voûte correspondant à 9m2 (c'est à dire à la superficie d'une cellule de religieuse.

les différentes pièces sont affectées aux activités communes, à droite des religieuses, à gauche des pensionnaires. Les quartiers des pensionnaires et celui des religieuses sont séparés par des barrières de bois à claire-voie.

+ au premier étage :

à droite : les dortoirs1120 le logement de la soeur-préfète, responsables des pensionnaires

à gauche : les cellules des religieuses ( 2 avec feu, 6 avec plancher, 36 avec carrelage), toutes munies de volets intérieurs.

Le corps central est occupé par un logis élevé de deux étages face au domaine de Clagny. Il est situé hors de la clôture.

+ le rez-de-chaussée appartient à la reine : antichambre, chambre, oratoire, chambres pour les dames d'honneur, cuisine, four, dépenses. L'appartement communique avec le sous-sol et s'ouvre au-delà de la terrasse sur un jardin à la française. En fait, Marie Leszczynska n'occupera jamais cet appartement où personne ne résidera. Cependant, Mesdames et Marie-Antoinette viendront souvent au couvent.

+ au 1er étage, desservies par un élégant escalier de pierres, les chambres réservées aux dames pensionnaires, filles et femmes d'un certain âge, attachées au service de la famille royale.

+ le second étage desservi par un seul escalier, à droite, est affecté au noviciat

Le 29 septembre 1772, Louis XV accompagné de Mesdames Adélaide., Victoire et Sophie et du comte de Noailles, gouverneur de Versailles, visite le couvent sous la direction de Mique.

Le 30 septembre, à 9 heures du soir, les religieuses arrivent au couvent où Mique et sa femme leur offrent le souper servi par les officiers de la bouche du Roi..

Le 1er octobre, après la bénédiction des lieux, la première messe est célébrée mais la clôture est reportée au lendemain pour répondre au désir de Mesdames de recevoir les religieuses au château où elles sont conduites en carrosses à huit chevaux. La dauphine Marie-Antoinette les reçoit ainsi que le comte et la comtesse de Provence. La procédure de clôture se déroule le lendemain (vendredi 2 octobre).

Le 4 octobre., la visite de Louis XV met fin aux cérémonies protocolaires en assistant dans le choeur des pensionnaires au salut et à la bénédiction du Saint-Sacrement.

La rentrée des pensionnaires s'est effectuée le 1er janvier 1773. Ce sont des jeunes filles d'officiers servant la famille royale. En permanence, le couvent en héberge 80 (au total, 383 pensionnaires passeront par le couvent de 1772 à 1789).. C'est un succès considérable en raison de la qualité de l'enseignement donné; cependant, les religieuses devront constamment résister pour conserver la volonté de la fondatrice et accueilleront peu de jeunes filles nobles.

Le règlement intérieur est strict :

6H1/2 : lever, messe et déjeuner

8H : écriture, dessin, lecture

9H1/2 : travail et instruction : travaux manuels (broderie, couture)

10H1/2 : exercice de la mémoire

11H : dîner, récréation, promenade

12H1/2 : orthographe, arithmétique, lecture

15H : goûter et récréation

16H : histoire et géographie

17H : étude

18H1/2 : souper, promenade, récréation

20 H : prière

21H : coucher

Les pensionnaires sont reparties en 3 classes (niveaux)