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L’Annonciation de Fra Angelico

L’artiste

Angelico est né près de Vicchio del Mugello. Sa date de naissance est fixée aux environs de 1400. Son nom Guido di Pietro fut changé à son entrée au couvent, en celui de Fra Giovanni dit par la suite l’Angelico et , plus tard Beato Angelico. Il débuta sa carrière comme enlumineur de missels. En 1417 il peignait déjà à Florence. Quand San Marco passa aux dominicains , il décora de fresques leur nouveau siège avec ses apprentis. Sous l’ordre de différents papes , il décora la chapelle Nicolini et le cabinet pontifical. En 1432-33 , il avait été prieur du petit couvent de Fiesole et le devint à nouveau en 1449-51 .Il mourut à Rome en 1453 et fut le premier peintre béatifié par l’église en 1983. Parmi ses œuvres importantes figurent la Madone de l'étoile et le Christ en gloire entouré de saints et d'anges. On retient également d’autres œuvres tel le couronnement de la Vierge, les scènes de la vie des saints Laurent et Etienne. L’œuvre la plus connue de la production de Fra Angelico est sans doute l’Annonciation dite du haut de l’escalier à Florence.

L'Annonciation

Introduction du tableau

Cette oeuvre exécutée pour l’église San Domenico di Cortona est l’une des plus représentatives de la maturité du peintre et une véritable synthèse des composantes de son art. Dernièrement ce tableau a fait l’objet d’une restauration qui lui a rendu tout son éclat. Il est très difficile de dater cette œuvre mais on peut dire qu’elle se situe vers 1438-1450. Ce tableau relate le message de l'ange Gabriel à Marie lui annonçant qu'elle serait la mère de Jésus .

Tout en étant d’une simplicité extrême , la scène, qui se déroule sous un portique peint délimité par de petites colonnes soutenant des arcs légèrement abaissés présente une certaine somptuosité qui souligne le caractère " officiel " de cette fresque par rapport à celles des autres cellules. On y trouve en effet une riche notation naturaliste dans le pré couvert de fleurs qu’une palissade (allusion à la virginité de Marie) sépare d’un bois touffu et très vert . Fra angelico, en face de l’ange aux ailes de claritas, a tout humblement vêtu sa Vierge de noir avec quand mêmes de légers reflets d’un bleu précieux ; par ailleurs , les auréoles sont d’une belle couleur dorée.

L’inscription au bas du tableau a pour vocation d’inviter le dévot à faire une prière lorsqu’il passe devant le tableau. On peut traduire cette inscription " Virginis intacte cum veneris ante figuram pretereundo cave ne sileatur ave " par : " Lorsque tu viendras devant la figure de la Vierge intouchée , en passant veille à ce que l’Ave ne soit pas passé sous silence ".

Dans l’Annonciation le portique est conçu suivant les règles de la perspective, mais les figures ne semblent pas vouloir obéir à cette mise en page perspective. Au delà des deux grands arcs vus de face, la composition se construit suivant des plans obliques aux lignes fuyantes. La vierge trouve son point d’horizon à l’extrémité du portique ; l’ange trouve le sien dans l’ouverture d’une porte, dans le mur du fond. Ainsi leurs directions se croisent. Le portique devient une pure forme géométrique, une enceinte de lumière blanche et abstraite contrastant avec la pénombre du paysage, puisque la source de la lumière n’est pas dans la nature, mais dans les images.

Le tabouret rustique sur lequel est assis la vierge contraste avec l’élégance classique des colonnes et des chapiteaux . Et l’on comprend alors comment d’une composition aux couleurs et au graphisme si étudiés puisse surgir la forme idéalisée du visage de la vierge, affinée, transparent et intense : reflet parfait d’une beauté qui n’a plus rien de physique, d’une beauté de l’esprit. Son visage comme pour tous les personnages de Fra Angelico est empreint de douceur et de retenue. Même Les petites fleurs rouges et blanches font penser à la beauté de l’Epouse, rouge et lactescente comme les joues de Marie elle-même.

C’est un espace austère : la petite pièce, visible au fond en atteste le caractère rigoureux.. La bordure ne fait pas que séparer deux lieux de l’espace ce jardin est le paradis en raison du simple fait que le mot paradisus est donné pour les chrétiens comme le strict équivalent du mot hortus. Ce jardin , fleuri de surcroît, précisera donc l’idée de printemps perpétuel que fut le jardin d’éden. Bien qu’ouvert au regard, c’est un jardin fermé. Une haute palissade en semble défendre l’entrée. Et, tout à côté du point de fuite, la fenêtre de la petite chambre n’exhibera elle aussi qu’une verdure " grillagée " , ouverte à la lumière mais fermée au passage physique sauf celui de l’ange. La colonne est un symbole religieux et est considérée comme l’axe centrale du tableau. Fra Angelico a disposé son personnage clé sur la droite de l’image selon un schéma presque universelle dans l’histoire de la peinture. Toutefois la solution adoptée est plus subtile : la vierge est placée en même temps vers un bord et vers un centre. On comprend que la vierge occupe le centre de l’espace puisque l’image montre deux arcatures seulement d’un édifice structuré par trois espacements de colonnes. La vierge a été déplacée à droite pour accentuer l’humilité d’un être humain visité par un être céleste mais elle occupe le centre du lieu qu’elle habite comme une reine dispose son trône au centre de son palais. Et de fait l’être céleste s’agenouille devant elle, le rapport d’humilité s’inversant en raison du fait que Marie déjà mère de Dieu se place au-dessus de tous les anges du ciel.

Lorsque nous voyons la vierge disproportionnée, aussi grande, assise, que la colonne de sa maison ou que l’ange mi-debout, nous sommes mis en demeure de constater qu’en elle doit naître le rêve. C’est un fait inouï dans l’histoire sacrée qu’un ange s’incline devant une personne terrestre. Fra Angelico nous donne des indices qui nous ramène aux mystères de l’incarnation comme en témoigne les fleurs rouges dans le pré, la pièce vide du fond, la taille subtilement démesurée de la Vierge.

On constate donc que malgré une simplicité apparente, ce tableau a fait l’objet d’une structuration très étudiée ; par ailleurs son grand dépouillement contraste avec sa richesse en suggestions relatives au mystère de l’incarnation.

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