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Lien avec:Mme de Maintenon
 
 

Evanouissement d'Esther, dessiné par une élève de 1ère Littéraire.Evanouissement d'Esther, dessiné par une élève de 1ère Littéraire.

1) Le personnage dans la pièce

    Assuérus, roi des Perses, a épousé Esther. Il a congédié sa précédente épouse, Vashti. Mais Esther lui a caché ses origines juives.

    Mardochée, l’oncle d’Esther, annonce à sa nièce qu’Aman, le favori du roi a décrété le massacre de tous les juifs. Esther, qui peut seule intervenir auprès d'Assuérus, profondément épris d'elle, se présente, malgré l’interdiction formelle,devant le roi, sans y avoir été appelée.

    Entièrement dévouée à son peuple, et possédant une foi ardente en son Dieu, elle révèle ses origines juives et les sinistres projets d’Aman. La roi condamne celui-ci à mort et prend le sage Mardochée pour conseiller. Les juifs sont sauvés.

    Le chœur des jeunes filles israélites chante sa joie et remercie Dieu.
 

 2) Esther, la commande de la pièce

    Madame de la Fayette est témoin, l'une des rares personnalités invitées par Louis XIV à assister à une représentation de la pièce:
 
Mme de Maintenon pour divertir ses petites filles et le roi, fit faire une comédie par Racine, le meilleur poète du temps, que l’on a tiré de sa poésie où il était inimitable, pour en faire, à son malheur et celui de ceux qui ont le goût du théâtre, un historien bien imitable... 
Mme de La Fayette
    En 1689,  Madame de Maintenon décide de commander à l’historiographe du roi, Jean Racine, " quelque espèce de poème moral ou historique " susceptible d’être interprété par ses élèves, les demoiselles de Saint-Cyr. Elle vient de fonder cette célèbre institution charitable. Mais elle y met une condition restrictive :" que l’amour y fût entièrement banni ".

Au collège de jeunes filles de Saint-Cyr, on s’est mis assez tôt à l’apprentissage du théâtre comme dans la plupart des maisons religieuses. La Supérieure, Madame de Brinon, compose elle-même des pièces pour divertir et instruire les élèves qui en sont à la fois les actrices et les spectatrices.Ainsi, pouvaient-elle exercer leur mémoire, leur diction et leur maintien.

    Mais Madame de Maintenon trouve ces pièces " détestables " et les qualifie même  " d’étranges pièces ".

Esther, de Racine, enthousiasme les jeunes filles. Madame de Maintenon sera même amenée à demander à Racine une autre pièce, Athalie.
 
 
 

L'évanouissement d'Esther. Peinture italienne du XVIIe siècle.L'évanouissement d'Esther. Peinture italienne du XVIIe siècle.

3) Sources de Racine
 

Racine adapte pour le théâtre l’histoire biblique d’Esther de l’Ancien Testament.

Le livre d’Esther, dont l’auteur est inconnu, nous est parvenu en deux versions : l'original en hébreu, l'autre en grec. Cette dernière,  beaucoup plus répandue,  fut insérée, presque sans changement, dans la Vulgate.

4) Portrait d’Esther : de nombreuses vertus intellectuelles et morales.
Citons le texte de Racine :
  • Pudeur :
" Une noble pudeur à tout ce que vous faites ! 
Donne un prix que n’ont point ni la pourpre, ni l’or. " 
 
  • Foi  :
" O Dieu, qui vois former des destins si funestes 
As-tu donc de Jacob abandonné les restes ? " 
 
  • Habileté :
" Je ne m’égare point dans ces vastes désirs, 
Mais puisqu’il faut enfin expliquer mes soupirs 
Puisque mon roi lui-même à parler me convie [...] " 
 
 
  • Modestie :
" Et c’est là, que fuyant l’orgueil du diadème, 
Lasse des vains honneurs et me cherchant moi-même, 
Aux pieds de l’Eternel je viens m’humilier, 
Et goûter le plaisir de me faire oublier. " 
 

 

  • Patriotisme :
" Cependant mon amour pour notre nation 
A rempli ce palais des filles de Sion, 
Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées,  
Sous le ciel étranger comme moi transplantées. 
Dans un lieu séparé de profanes témoins, 
Je mets à les former mon étude et mes soins. " 
 
  • Résignation :
" [...] Vous pouvez rejeter ma prière. 
Mais je demande au moins que pour grâce dernière 
Jusqu’à la fin, Seigneur, vous m’entendiez parler, 
Et que surtout Aman n’ose point me troubler. " 
 
  •   Pitié
  • " En vous est tout l’espoir de vos malheureux frères. 
    Il faut les secourir. Mais les heures sont chères. " 
     
     
     

     

    5) Correspondance histoire/littérature :

    Les contemporains, Madame de Sévigné en tête, ont noté une troublante similitude entre l'abandon par Assuérus de Vashti pour Esther, et la mise à l'écart par Louis XIV de sa maîtresse en titre Madame de Montespan au profit de Madame de Maintenon, qu'il épousera secrètement en 1683.

    L'évanouissement d'Esther. Antoine Coypel, XVIIe siècle.L'évanouissement d'Esther. Antoine Coypel, XVIIe siècle.

     
     
     

    6) Lectures ultérieures de la pièce :
    Voltaire (XVIIIème siècle), Proust (XXème siècle).

    Voltaire :

        "Quelquefois, une tragédie dénuée de vraisemblance et de raison charme à la lecture par la beauté continue du style, comme la tragédie d’Esther. On rit du sujet et on admire l’auteur. Ce sujet, en effet, respectable dans nos Saintes Ecritures, révolte notre esprit partout ailleurs. Personne ne peut concevoir qu’un roi soit assez sot pour ne pas savoir, au bout d’un an , de quel pays est sa femme, et assez fou pour condamner toute une nation à mort parce qu’on n'a pas fait la révérence à son ministre. L’ivresse de l’idolâtrie pour Louis XIV, et la bassesse de la flatterie pour Mme de Maintenon, fascinèrent les yeux à Versailles. Ils furent éclairés au théâtre de Paris. Mais le charme de la diction est si grand que tous ceux qui aiment les vers en retiennent par cœur plusieurs de cette pièce".
     

    Proust : Du côté de chez Swann
    Nous sommes dans l'église de Combray. Le narrateur admire :

        "Deux tapisseries de haute lice représentaient le couronnement d’Esther (la tradition voulait qu’on eût donné à Assérus les traits d’un roi de France et à Esther ceux d’une dame de Guermantes dont il était amoureux), auxquelles leurs couleurs, en fondant avaient donné une expression, un relief, un éclairage : un peu de rose flottait aux lèvres d’Esther au delà du dessin de leur contour ; le jaune de sa robe s’étalait si onctueusement, si grassement, qu’elle en prenait une sorte de consistance et s’enlevait vivement su l’atmosphère refoulée."

    L'évanouissement d'Esther. Paul Véronèse.L'évanouissement d'Esther. Paul Véronèse.

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