Evanouissement
d'Esther, dessiné par une élève de 1ère Littéraire.
1) Le personnage dans la pièce
Assuérus, roi des Perses, a épousé Esther. Il a congédié sa précédente épouse, Vashti. Mais Esther lui a caché ses origines juives.
Mardochée, l’oncle d’Esther, annonce à sa nièce qu’Aman, le favori du roi a décrété le massacre de tous les juifs. Esther, qui peut seule intervenir auprès d'Assuérus, profondément épris d'elle, se présente, malgré l’interdiction formelle,devant le roi, sans y avoir été appelée.
Entièrement dévouée à son peuple, et possédant une foi ardente en son Dieu, elle révèle ses origines juives et les sinistres projets d’Aman. La roi condamne celui-ci à mort et prend le sage Mardochée pour conseiller. Les juifs sont sauvés.
Le chœur des jeunes filles
israélites chante sa joie et remercie Dieu.
2) Esther, la commande de la pièce
Madame de la Fayette est témoin, l'une des
rares personnalités invitées par Louis XIV à assister
à une représentation de la pièce:
Mme de Maintenon pour
divertir ses petites filles et le roi, fit faire une comédie par
Racine, le meilleur poète du temps, que l’on a tiré de sa
poésie où il était inimitable, pour en faire, à
son malheur et celui de ceux qui ont le goût du théâtre,
un historien bien imitable...
Mme de La Fayette
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Au collège de jeunes filles de Saint-Cyr, on s’est mis assez tôt à l’apprentissage du théâtre comme dans la plupart des maisons religieuses. La Supérieure, Madame de Brinon, compose elle-même des pièces pour divertir et instruire les élèves qui en sont à la fois les actrices et les spectatrices.Ainsi, pouvaient-elle exercer leur mémoire, leur diction et leur maintien.
Mais Madame de Maintenon trouve ces pièces " détestables " et les qualifie même " d’étranges pièces ".
Esther, de Racine, enthousiasme les jeunes
filles. Madame de Maintenon sera même amenée à demander
à Racine une autre pièce, Athalie.
3) Sources de Racine
Racine adapte pour le théâtre l’histoire biblique d’Esther de l’Ancien Testament.
Le livre d’Esther, dont l’auteur est inconnu, nous est parvenu en deux versions : l'original en hébreu, l'autre en grec. Cette dernière, beaucoup plus répandue, fut insérée, presque sans changement, dans la Vulgate.
4) Portrait d’Esther : de nombreuses vertus intellectuelles
et morales.
Citons le texte de Racine :
Donne un prix que n’ont point ni la pourpre, ni l’or. "
As-tu donc de Jacob abandonné les restes ? "
Mais puisqu’il faut enfin expliquer mes soupirs Puisque mon roi lui-même à parler me convie [...] "
Lasse des vains honneurs et me cherchant moi-même, Aux pieds de l’Eternel je viens m’humilier, Et goûter le plaisir de me faire oublier. "
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A rempli ce palais des filles de Sion, Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées, Sous le ciel étranger comme moi transplantées. Dans un lieu séparé de profanes témoins, Je mets à les former mon étude et mes soins. "
Mais je demande au moins que pour grâce dernière Jusqu’à la fin, Seigneur, vous m’entendiez parler, Et que surtout Aman n’ose point me troubler. " " En vous est tout l’espoir de vos malheureux frères. Il faut les secourir. Mais les heures sont chères. "
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Les contemporains, Madame de Sévigné en tête, ont noté une troublante similitude entre l'abandon par Assuérus de Vashti pour Esther, et la mise à l'écart par Louis XIV de sa maîtresse en titre Madame de Montespan au profit de Madame de Maintenon, qu'il épousera secrètement en 1683.
6) Lectures ultérieures de la pièce :
Voltaire (XVIIIème siècle), Proust (XXème siècle).
Voltaire :
"Quelquefois, une tragédie
dénuée de vraisemblance et de raison charme à la lecture
par la beauté continue du style, comme la tragédie d’Esther.
On rit du sujet et on admire l’auteur. Ce sujet, en effet, respectable
dans nos Saintes Ecritures, révolte notre esprit partout
ailleurs. Personne ne peut concevoir qu’un roi soit assez sot pour ne pas
savoir, au bout d’un an , de quel pays est sa femme, et assez fou pour
condamner toute une nation à mort parce qu’on n'a pas fait la révérence
à son ministre. L’ivresse de l’idolâtrie pour Louis XIV, et
la bassesse de la flatterie pour Mme de Maintenon, fascinèrent les
yeux à Versailles. Ils furent éclairés au théâtre
de Paris. Mais le charme de la diction est si grand que tous ceux qui aiment
les vers en retiennent par cœur plusieurs de cette pièce".
Proust : Du côté de chez Swann
Nous sommes dans l'église de Combray. Le narrateur admire :
"Deux tapisseries de haute lice représentaient le couronnement d’Esther (la tradition voulait qu’on eût donné à Assérus les traits d’un roi de France et à Esther ceux d’une dame de Guermantes dont il était amoureux), auxquelles leurs couleurs, en fondant avaient donné une expression, un relief, un éclairage : un peu de rose flottait aux lèvres d’Esther au delà du dessin de leur contour ; le jaune de sa robe s’étalait si onctueusement, si grassement, qu’elle en prenait une sorte de consistance et s’enlevait vivement su l’atmosphère refoulée."
L'évanouissement
d'Esther. Paul Véronèse.